Dans les airs il y a trois sortes de passagers : ceux qui n’ont pas confiance dans les machines, ceux qui n’ont pas confiance dans les êtres humains et ceux qui n’ont pas confiance dans la métaphysique.
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Tout le monde chute. Chez certains seuls persiste la grandeur.
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S’éloigner c’est saisir. S’approcher, comprendre. Pénétrer : adhérer.
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L’ami que tu as perdu est le juge le plus implacable de ta conscience.
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Un père et une mère sont une dette qui nous rend riches.
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Il est des bergers sanguinaires comme des loups.
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Traverser un désert est un exercice spirituel, gravir un sommet un exercice passionnel, se perdre dans une forêt un exercice d’introspection.
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Quel poète prononce le mot politique sans rougir ? Quel politique le mot poésie ? Ecrire : travailler la rougeur.
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La bonne littérature se gare aux endroits interdits, la mauvaise critique sur les places pour handicapés.
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Les poètes accordent beaucoup d’importance à la poésie, les médecins à la médecine, les aphoristes à leur nez.
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L’art joue au tennis avec la foi.
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Deux formes spéculaires d’infantilisme : le politiquement correct et la foi en la provocation comme fondement de l’intelligence.
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Une longue convalescence engendre des romanciers. La proximité d’une catastrophe, des poètes. De quel trou sortent les aphoristes ?
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Seule la jeunesse est suffisamment audacieuse pour écrire des aphorismes, seule la vieillesse est suffisamment sage. Les aphorismes sont un genre impossible.
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Les certitudes miaulent comme des chatons dans un sac. Jetons-les à la rivière.
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Tous les rats meurent. Cette aphoriste mourra. Donc cette aphoriste est un rat.
Lenguaraz (Pre-Textos, 2011)
Traduction Adélaïde de Chatellus,
avec les étudiants de Master 1 de l’Université Paris IV